Procédure administrative : recours administratif, demande d’aide juridictionnelle et délai raisonnable, gare à la sanction pour l’administration

Sollicité par le Tribunal administratif de Lyon, l’avis du Conseil d’État daté du 12 juillet 2023 précise l’articulation entre la présentation d’un recours administratif et le délai raisonnable d’un an (cf. CE, Ass., 13 juillet 2016, Czabaj, n°387763). Par sa décision Czabaj, le Conseil d’État a considéré qu’en vertu du principe de sécurité juridique qui implique qu’une décision administrative individuelle ne puisse être remise en cause sans condition de délai, une décision administrative dépourvue de la mention des voies et délais de recours ne peut, sauf circonstances particulières, être contestée que dans le délai dit « raisonnable » d’un an à compter de la notification de la décision ou de la date à compter de laquelle il est établi que le justiciable en a eu connaissance. Ce faisait le Conseil d’État a, d’une part, réécrit l’article R. 421-5 du code de justice administrative qui prévoit que les « délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision » et, d’autre part, précisé la sanction en cas de non-respect par l’administration de l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration qui lui impose de transmettre un accusé de réception aux auteurs de recours administratifs mentionnant les voies et délais de recours. Défavorable aux justiciables cette décision Czabaj est, depuis, précisée au cas par cas. Par son avis du 12 juillet 2023, la haute juridiction précise que la présentation d’un recours administratif dans le délai raisonnable interrompt ce délai. En l’absence d’accusé de réception de l’administration indiquant les voies et délais de recours, un nouveau délai raisonnable d’un an commence donc à courir à compter du refus implicite de l’administration.Le raisonnement du Conseil d’État à ce propos est contenu au quatrième point de cet avis par lequel la haute juridiction considère que :

« La présentation, dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux contre une décision administrative, d’un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, contre cette décision a pour effet d’interrompre ce délai. Il en va notamment ainsi lorsque, faute de respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et délais de recours, le délai dont dispose le destinataire de la décision pour exercer le recours juridictionnel est le délai découlant de la règle énoncée au point 3. Lorsque le recours administratif fait l’objet d’une décision explicite de rejet, un nouveau délai de recours commence à courir à compter de la date de notification de cette décision. Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n’est pas elle-même assortie d’une information sur les voies et délais de recours, l’intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification, du délai découlant de la règle énoncée au point 3 pour saisir le juge. En cas de silence gardé par l’administration sur le recours administratif, le délai de recours contentieux de droit commun contre la décision administrative contestée recommence à courir dès la naissance d’une décision implicite de rejet du recours administratif lorsque l’autorité administrative a accusé réception de ce dernier recours et que l’accusé de réception comporte les indications prévues à l’article R. 112-5 du code des relations entre le public et l’administration. A défaut, l’intéressé dispose, pour introduire son recours contentieux contre la décision administrative qu’il conteste, à compter du jour où il a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours administratif, du délai raisonnable découlant de la règle énoncée au point 3 ».

Cet avis du 12 juillet 2023 précise également l’articulation entre ce délai raisonnable et la demande d’aide juridictionnelle. La demande d’aide juridictionnelle a pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux. La question se posait du délai applicable en suite de la réponse à la demande d’aide juridictionnelle s’agissant d’une décision soumise au délai raisonnable d’un an. Le Conseil d’État distingue deux cas. En premier lieu, en cas de réponse positive à sa demande d’aide juridictionnelle, le justiciable dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification de cette réponse pour contester. En second lieu, en cas de réponse négative à sa demande d’aide juridictionnelle, le justiciable dispose d’un délai raisonnable d’un an pour contester.

(CE, Avis, 12 juillet 2023, n°474865)